Nous avons appris le vendredi 21 mars 2025 que le président autorisait une conférence, organisée par l’Union Nationale Inter-universitaire (UNI), de Mme Hanane Mansouri (elle-même ancienne élue de l’UNI à l’UGA) députée sous l’étiquette de l’union des droites pour la république, menés par Éric Ciotti. Dans la foulée, le président Yassine Lakhnech a décidé de suspendre l’agrément de l’organisation étudiante représentative majoritaire Union Étudiante de Grenoble (UEG) pour 2 mois (à réception de la notification) suite à un post sur les réseaux sociaux qui faisait lui-même suite au vote d’une motion pour la Palestine en conseil d’administration. Selon le président, ce post porterait atteinte à la réputation de l’UGA ainsi qu’aux élus UNI et Interasso.
Étant donné que nous sommes à l’université et que nous sommes censés produire une pensée critique, il nous semble impératif de faire un rappel chronologique des faits et de questionner la notion de tolérance, depuis la science, pour que chacun puisse se faire un avis en toutes connaissances de causes.
Rappel chronologique des faits :
Juin 2024 : suite à la dissolution de l’assemblée nationale le 9 juin 2024 par le président de la république, Mr Ciotti et son parti l’Union des droites pour la République appellent à s’allier et à voter pour l’extrême droite lors des législatives.
Eté 2024 : Mr Samuel Sakpa, élu UNI au conseil d’administration de l’UGA se présente comme suppléant de Frédérique SCHREIBER, liste Rassemblement National, dans la 5ème circonscription de l’Isère.
5 juillet 2024 : le conseil d’administration de l’UGA vote une motion « cordon sanitaire » contre l’extrême droite.
« Alors que nous sommes appelés aux urnes pour choisir un modèle de société, le Conseil d’administration de l’Université Grenoble Alpes tient a rappeler son attachement aux principes d’égalité, de liberté, de laïcité, de solidarité, de tolérance et d‘hospitalité.
C’est pourquoi notre université restera fidèle aux missions de service public et à la liberté académique telles qu’elles sont définies dans le code de l’éducation. Face au repli sur soi, à la peur de autre, à l’inquiétude devant les transformations brutales du monde, l’accès aux connaissances académiques saura privilégier le partage d’idées et d’expériences au sein d’une société forte de sa capacité à décrypter, interpréter, éclairer, critiquer, construire des communs indispensables à une société démocratique.
En conséquence, le CA de l’Université Grenoble Alpes appelle sa communauté à défendre ces valeurs et à s’opposer au Rassemblement National avec ses bulletins de vote le 7 juillet prochain. L’alerte dépasse les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. II s‘agit bien de défendre les valeurs de la République.
Quel que soit le résultat de cette élection, le CA s‘engage protéger les valeurs humanistes et l’éthique républicaine qui fondent l’enseignement supérieur en France et à ne pas mettre en œuvre de politiques discriminatoires sur quelques critères que ce soit : nationalité, religion, origine, orientation sexuelle et identité de genre, handicap, opinion syndicale ou politique, classes sociales, etc. Votons et mobilisons- nous ! »
Le 22 mai 2024 : Éric Ciotti souhaite que la France quitte la Cour pénale internationale suite à la décision du procureur de la CPI, Karim Khan, de demander des mandats d’arrêt contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien, dont Benjamin Netanyahu.
Le 14 novembre 2024 : Un Comité spécial des Nations Unies estime que les méthodes de guerre utilisées par Israël à Gaza relèvent du génocide, y compris l’utilisation de la famine comme arme de guerre.
Le 22 novembre 2024 : la Cour pénale internationale (CPI) approuve l’émission des mandats d’arrêt contre Benjamin Nétanyahou, premier ministre en exercice d’Israël, Yoav Gallant, ancien ministre de la défense d’Israël, et Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas, pour des faits qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Le 5 décembre 2024 : Une enquête d’Amnesty International conclut qu’Israël commet un génocide contre les Palestiniens et Palestiniennes à Gaza.
Le 13 décembre 2025 : l’UEG organise une conférence avec l’eurodéputée Rima Hassan. L’UNI demande son interdiction. Le président Yassine Lakhnech conditionne la tenue de cette conférence à la présence d’un·e discutant·e scientifique.
Le 17 décembre 2024 : le conseil d’administration de l’UGA vote une motion sur la situation en Palestine.
« Le Conseil d’Administration de I’Université Grenoble Alpes, réuni le 17 décembre 2024, exprime son inquiétude face aux bombardements meurtriers menés par l’armée israélienne au Moyen-Orient. Depuis un an, les bombardements indiscriminés, les discours de déshumanisation des Gazaoui·es exprimés par le gouvernement israélien, l’intensification de la colonisation, les déplacements massifs de 2 millions d’habitant·es, l’organisation de la famine par le blocus, l’ampleur des destructions du patrimoine, la destruction de villes entières et des infrastructures vitales telles que les écoles et universités ont mené la Cour internationale de Justice (ClJ) à reconnaitre un risque de génocide contre les Palestinien·nes de Gaza par Israël. De même, le 21 novembre 2024, à la suite d’une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre d’Israël et l’ancien ministre de la Défense d’Israël. Conformément aux valeurs de l’établissement, le Conseil d’Administration de I’Université Grenoble Alpes condamne fermement les attaques israéliennes.
Le Conseil d’Administration de I’Université Grenoble Alpes rappelle son soutien aux communautés d’enseignement supérieur en Israël, souffrant de censure quant à Ia critique des crimes de guerre et de la colonisation ainsi que de /a collaboration étroite et systémique avec l’appareil militaire et d’occupation.
Par ailleurs, le Conseil d’Administration de l’Université Grenoble Alpes souligne son inquiétude face au climat fortement répressif en France a l’encontre voix qui dénoncent le génocide. Les établissements universitaires subissent des pressions médiatiques et gouvernementales : le 4 octobre 2024 encore, le ministre de l’enseignement supérieur français à appelé à empêcher tout soutien à la Palestine et au Liban et dressé de dangereux amalgames. Nous dénonçons ce communiqué et réaffirmons notre attachement aux valeurs de liberté d’expression ainsi que de lutte contre tous les racismes, fondamentales pour notre université.
Le Conseil d’administration salue le vote de la France en faveur de la résolution pour un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent a I’ONU le 8 novembre. Si cette résolution a été malheureusement empêchée par un veto, les efforts peuvent être intensifiés, conformément aux obligations de la France en tant que partie à la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide.
Le Conseil d’administration demande à |’équipe présidentielle de I’Université Grenoble Alpes d’accueillir les universitaires et étudiant·es palestinien·nes demandant refuge ainsi que de soutenir la reconstruction du tissu universitaire à Gaza, l’élaboration de programmes d’accueil et la multiplication des partenariats scientifiques avec les universités palestiniennes en Cisjordanie. »
Le 17 décembre 2024 : l’UEG publie dans la foulée du CA un post sur les réseaux sociaux qui critique les votes contre et les abstentions sur cette motion d’une partie des élus du CA et interpelle plus spécifiquement l’UNI et Interasso.
Le 5 mars 2025 : on apprend par presses interposées que depuis le 30 janvier, cinq faits notables d’antisémitisme ont été relevés sur des campus universitaires, notamment des saluts nazis. Plusieurs des auteurs présumés gravitent autour du syndicat étudiant UNI.
Le 7 mars 2025 : Mediapart publie plusieurs photos inédites montrant Mathis Gachon, délégué national de l’UNI, en train d’effectuer à différentes reprises un salut à trois doigts qui s’apparente à un salut de Kühnen, une alternative au salut nazi qui se répand depuis la fin des années 1970 dans les groupuscules d’extrême droite.
Le 11 mars 2025 : Mme Hanane Mansouri dépose une proposition de loi visant à interdire le mariage d’une personne faisant l’objet d’une mesure d’expulsion, d’éloignement ou d’interdiction du territoire national.
Le 21 mars 2025: la présidente de l’UEG reçoit, sur son adresse email personnelle, la notification de la suspension de son agrément permettant la réservation de salle et l’obtention de subventions de la part de l’UGA, le président Yassine Lakhnech estimant que le post (mentionné ci-dessus) porte atteinte à la réputation de l’UGA ainsi qu’aux élus UNI et Interasso.
Le 28 mars 2025 : Mme Hanane Mansouri devrait donner sa conférence intitulée « Faire entendre la voix des jeunes : mission de la benjamine du parlement ». Au vu de l’affiche de promotion, il n’y a pas de discutant(e) scientifique contrairement à ce qui avait été requis par le président pour la conférence de Rima Hassan (voir plus haut).
Paradoxe de la tolérance selon Karl Popper
Une société tolérante doit-elle tolérer l’intolérance ? La réponse est NON.
C’est un paradoxe mais la tolérance absolue mène à la disparition de la tolérance. Lorsqu’on étend notre tolérance à ceux qui sont ouvertement intolérants, ceux qui sont tolérants finissent par se faire éliminer et la tolérance aussi! Tout mouvement prêchant l’intolérance et la persécution doit être déclaré illégal selon Popper. Aussi paradoxal que cela puisse paraître défendre la tolérance exige qu’on ne tolère pas l’intolérance.
Notre avis
Nous sommes d’accord avec Karl Popper. Les idéologues d’extrême droite ne veulent la tolérance que pour eux-mêmes. Nous en avons un bel exemple avec Donald Trump, J.D. Vance ou encore les dirigeants actuels israéliens et le chef du Hamas. Mr Ciotti, Mme Mansouri, l’UNI sont de ces idéologues. Il n’y a pas à tolérer leurs propos, en particulier à l’université, qui est garante du débat d’idées, de la controverse et, jusqu’au bout, de la tolérance.
Encore une fois, nous interpellons l’équipe des vices-présidents et les listes qui soutiennent le président : est-ce que vous vous reconnaissez dans ces décisions de la présidence qui directement ou indirectement promeuvent l’intolérance ?