UGA en commun

Mise à jour du post du 24 mars : réponse à l’extrême tribord


Suite à notre post de blog du 24 mars, nous avons interpelé les élus des conseils centraux de l’UGA (CA et CAc) sur la tenue de la conférence de Hanane Mansouri organisée par l’UNI et dans des conditions qui posent problème.

Chèr.e.s collègues élu.e.s,

Nous souhaitons attirer votre attention sur la conférence organisée par l’UNI ce 28 mars de Mme Hanane Mansouri (députée du parti d’extrême droite mené par Mr Ciotti l’Union des droites pour la République), intitulée « Faire entendre la voix des jeunes : mission de la benjamine du parlement », ainsi que sur les conditions de sa venue. Le 5 juillet 2024, le conseil d’administration de l’UGA a adopté une motion visant à faire barrage à l’extrême droite lors des législatives de cet été 2024. Pourtant, le président choisit d’ignorer le contenu de cette motion en acceptant la venue de Mme Hanane Mansouri et pire encore (et selon nos informations à ce stade), sans imposer la présence d’un.e discutant.e scientifique, contrairement à ce qui a été fait pour la conférence organisée par l’UEG de Mme Rima Hassan au mois de décembre. Ce double standard est particulièrement gênant.

À cela s’ajoute l’épisode Alain Bauer. Le 21 février, via un email, tous les personnels et les étudiant.e.s de l’UGA ont été invités à une « Conférence d’exception » d’Alain Bauer, intitulée « Décrypter les enjeux du monde actuel », organisée par l’UGA et le Cercle de l’Y, une association à caractère politique sur laquelle peu d’informations circulent. Concernant Alain Bauer, il a été condamné le 5 mars 2025 à 12 mois de prison avec sursis, 375.000 euros d’amende et 3 ans d’interdiction de tout marché public. Le jugement ayant été mis en délibéré depuis le 2 décembre 2024, était-il vraiment pertinent de promouvoir cette conférence de la sorte ? Nous avons souhaité connaître le processus de décision ayant conduit à l’envoi de cette invitation à l’ensemble du personnel et des étudiants, étant donné la faible crédibilité scientifique d’Alain Bauer et les accusations portées contre lui (recel de favoritisme et détournement de fonds publics). À ce jour, nous n’avons pas obtenu de réponse de la présidence.

Il y a, nous semble-t-il, des limites à ne pas franchir. Dans un contexte mondial où les scientifiques (au sens large du terme) sont attaqués, que ce soit aux États-Unis, en Argentine ou ailleurs, où la liberté académique est menacée, nous ne pouvons pas être complaisants envers des idéologies fondées sur la distinction, le rejet et finalement l’intolérance. Karl Popper explique très bien le paradoxe de la tolérance : aussi paradoxal que cela puisse paraître, défendre la tolérance exige qu’on ne tolère pas l’intolérance. À l’université, il est essentiel de garantir la qualité des débats en les fondant sur des faits, non pas sur des opinions assises sur du vide.

UGA en Commun,

Le représentant de l’UNI au CA (ancien candidat suppléant du rassemblement national) nous a répondu.

Il répond sur 3 points :

  • La liberté académique
  • Le caractère, selon lui, non contraignant de la motion de « barrage à l’extrême droite » votée en CA en 2024.
  • Le « non parallélisme » entre la conférence de Rima Hassan (LFI), députée européenne qui s’exprime sur des sujets selon lui « polémiques » et Hanane Mansouri, députée de l’extrême droite à l’assemblée nationale, qui s’exprime toujours selon lui, sur des sujets généraux et institutionnels. Il en tire la conclusion qu’il n’est pas pertinent que cette dernière soit, comme l’a été Rima Hassan, accompagnée par un discutant spécialiste des sujets abordés.

Notre commentaire :

Cette réponse montre qu’au delà de son idéologie excluante, l’UNI, récemment mis en cause dans des affaires de « Saluts Nazis », aurait bien besoin de réviser quelques connaissances.

Nous conseillons aux élus de l’UNI de relire le paradoxe sur la tolérance de Karl Popper et de faire le constat objectif et documenté que tous les régimes d’extrême droite (Hongrie, Italie, Argentine, USA, Russie, …) ont mis en cause la liberté académique parfois très gravement en se réclamant de la liberté d’expression, illustrant et démontrant la pertinence de ce paradoxe. 

Nous leur conseillons également de relire Hannah Arendt et notamment la gravité des dérives de la pensée d’extrême droite dans la relation au réel. L’exemple actuel de l’extrême droite américaine, pendant outre-atlantique des extrêmes droites européennes dont fait partie l’UNI, montre à quel point cette relation pathologique au réel est un problème en particulier vis à vis de la liberté académique.

« Le sujet idéal de la domination totalitaire n’est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais celui pour qui les distinctions entre fait et fiction (c’est-à-dire la réalité de l’expérience) et entre vrai et faux (c’est-à-dire les normes de la pensée) n’existent plus. »

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme

Nous leur conseillons encore de se rendre compte que tout sujet « général et institutionnel » est de fait hautement politique et donc sujet à polémiques. La jeunesse est à ce titre particulièrement sensible. Une contradiction scientifique basée sur des faits et non des fantasmes extrême droitiers serait donc très utile. La réponse de l’UNI le prouve par l’absurde.

Enfin nous leur conseillons de relire leurs propres publications syndicales pour se rendre compte que l’UNI a une conception de la liberté académique à géométrie très variable. Combien d’annulation de conférences ont-ils demandé ? Il suffit de consulter leur site internet pour trouver l’information !

Nous espérons que nos collègues des conseils centraux, y compris ceux qui soutiennent la présidence, ne se laisseront pas berner par l’offensive d’extrême droite dont l’UNI est une composante.

Nous  réitérons donc que nous pensons indispensable cette contradiction scientifique seule à même de poser des éléments d’un débat sur des bases factuelles et non dans le rapport pathologique au réel qu’entretient l’extrême droite en France aux USA et ailleurs. En écho, n’hésitons pas à lire l’ouvrage de notre collègue Johann Chapoutot, « les irresponsables ».

En laissant cette conférence se produire dans ces conditions, le président de l’UGA prend le risque d’une amplification de l’emprise des extrêmes droites et de l’intolérance qui n’ont pas leur place à l’université et confirme que la dérive à tribord de l’UGA est bien de sa responsabilité. Il est temps de redresser la barre.