Nous avons vu la fragilité de la société américaine face aux attaques « trumpistes » contre la démocratie en général et contre l’université en particulier. Nous avons pu constater en quelques semaines, comment un président, certes élu, a pu maltraiter les institutions démocratiques en détruisant méthodiquement tous les contre-pouvoirs qui existent, en arrêtant des juges, en envoyant l’armée contre des manifestations dans des villes qui lui sont opposées politiquement et en tentant de détruire méthodiquement la capacité des universités à produire des connaissances contredisant la « doxa » du moment.
C’est avec ces exemples en tête que nous souhaitons attirer votre attention sur la modification du règlement intérieur (RI) de notre université, qui a été voté lors du Conseil d’administration de juillet 2025. Certaines des évolutions proposées nous semblent poser de réelles questions, tant sur le fond que sur la méthode. Plusieurs dispositions renforcent de manière excessive les prérogatives du président de l’université, sans garde-fous suffisants ni dialogue institutionnel à la hauteur des enjeux.
Nous ne remettons pas en cause la nécessité de faire évoluer les outils de pilotage de notre université. Mais dans un contexte national et international marqué par des tensions politiques fortes, où les principes de collégialité, de transparence et de liberté académique doivent être défendus avec d’autant plus de vigueur, il est de notre responsabilité collective de rester vigilants. Car s’il est évident qu’aucun règlement intérieur ne nous protègera en cas de dérive à l’américaine, il est déraisonnable d’ouvrir plus grand la porte à l’autoritarisme au moment où son arrivée au pouvoir en France est une possibilité réaliste.
Pour être tout à fait exact, il est important de préciser que la version finalement votée a été expurgée d’un certain nombre de dispositions gravissimes, ceci après d’âpres discussions menées par les listes de l’opposition (FSU, CGT, UEG, UGA en commun). Il n’en reste pas moins qu’en écartant par exemple le statut de l’élu du RI et en faisant disparaitre le droit à communiquer des élus auprès des électeurs, le président affaibli la capacité des élus à agir, à assurer leur fonction d’élu et à rendre des comptes à leurs mandants.
Nous vous invitons à prendre toute la mesure de ces enjeux. Il ne s’agit pas ici de dramatiser, mais de s’assurer que notre université continue de fonctionner dans un cadre respectueux des principes démocratiques, de la liberté d’expression, et des contre-pouvoirs nécessaires à toute gouvernance équilibrée.
« Sans doute tandis que Rome délibère, Sagonte périt, mais en revanche, lorsqu’un petit nombre décide de tout en fonction de ses seules passions, c’est la liberté qui périt et le bien commun. Car les dispositions intellectuelles des hommes sont trop faibles pour pouvoir tout pénétrer d’un coup. Mais elles s’aiguisent en délibérant, en écoutant et en discutant ; c’est en examinant toutes les solutions qu’on finit par trouver celles qu’on cherche, sur lesquelles se fait l’unanimité, et auxquelles nul n’avait songé auparavant ». Baruch Spinoza – Traité politique.